Le miroir de la mauvaise foi ou ...

Comment attiser la haine à l'encontre des "anti-passe" !

Le mouvement "anti-passe"  s'amplifie au cœur même de l'été comme je l'ai commenté dans mon dernier article de blog - Impasse et tour de passe-passe des enquêtes sur le passe sanitaire...

Cela n'est pas sans inquiéter les observateurs des mouvements sociaux. En tout cas,  le caractère hétérogène des profils des manifestants les interroge : sont-ils des complotistes ou sous influence de ceux-ci ? Sont-ils des suppôts de l'extrême droite ? Des "gilets jaunes" ? Tout cela est trop réducteur, et ne permet pas de crédibiliser suffisamment les analyses visant in fine à invalider le mouvement de réaction et d'opposition à ce  qui ressemble fort à une "obligation vaccinale"  qui ne dit pas son nom , et qui manifeste ainsi une véritable hypocrisie politique.



La question est alors de trouver de nouveaux arguments, de nouvelles raisons plus subtiles, plus insidieuse aussi, pour attiser la haine à l'encontre des partisans du mouvement "anti-passe". On prendra là appui sur la campagne lancée cette année par l'hebdomadaire "L'Express" (fer de lance emblématique ici de l'orientation des médias dominants), pour s'attaquer au mouvement en traquant cette fois les adeptes des médecines douces, accusés d'alimenter ce mouvement d'opposition « au système ».
En tout premier lieu, il s'agit d'identifier « les médecines douces [comme] l'une des composantes du mouvement anti passe sanitaire » ,comme s'y emploie l'Express en interviewant Jérôme Fourquet de l'IFOP commentant le sondage commandé par le Journal du Dimanche (JDD) : 

" Les manifestations contre le passe sanitaire ont des airs d'auberges espagnoles. Différents profils idéologiques et sociologiques s'y côtoient. Mais le courant adepte des médecines douces en représente, incontestablement, l'une des composantes."

Les chiffres analysés attestent bien cette sur-représentation des usagers des  médecines douces et alternatives dans la population qui soutient le mouvement anti-passe ; et aussi de leur plus grande méfiance et réticence à l'égard de la vaccination anti-Covid. Cependant, une des données importantes notées en passant par Jérôme Fourquet est que les sympathisants des médecines douces constituent une part de la population française (44%) : « ce courant n'a aujourd'hui plus rien de marginal,  il irrigue une partie de la société » reconnaît-il. Ce souci premier d'une certaine objectivité n'empêche pas dans la suite de l'entretien des propos manifestement "anti-sectaires" pour stigmatiser une brochette de réfractaires à la vaccination,  en citant pêle-mêle, le naturopathe Thierry Casasnovas , le professeur Henri Joyeux, la députée européenne écologiste Michèle Rivasi, le docteur anesthésiste Louis Foucher, mais aussi des figures du mouvement des gilets jaunes (Jacqueline Mouraud hypno-thérapeute, Priscillia Ludosky vendeuse de comestiques bio). Autant de personnalités ayant défrayé  la chronique et porté au pilori par les médias mainstream, comme représentant une galaxie "de gourous". 


Ainsi, l'affaire est dans le sac,  pourrait-on penser, en rappelant pour conclure de manière presque subliminale, qu'il y a également une partie du courant frontiste qui surfe sur les ces thématiques anti-vaccinales avec « Marine Le Pen [ qui ] avait été l'un des seuls responsables  politiques à émettre de forts doutes quand onze vaccins ont été rendus obligatoires en 2017 ». On pourrait alors penser  "anti-passe = partisans des médecines douces = extrême droite", tout cela entrainé dans le même combat ! Là n'est-elle pas la manipulation ? quelle mauvaise foi !

L'homéopathie... Mais à quoi ça sert ?

Il s'agit bien de réduire la force du courant des médecines douces et alternatives qui semble menacer le discours à vocation hégémonique de la science et de la médecine conventionnelle (allopathique ). Toute une série continue d'articles viennent ainsi, en résonance les uns avec les autres, semer le doute sur ce monde des médecines douces et leurs gourous, alimentant la polémique. Voici une liste de titres plus éloquents les uns que les autres :

" Les médecines alternatives sont une véritable cour des miracles"
" Les naturopathes vendent des poudres de perlimpinpin"
" Politique, hôpital, faculté... L'offensive des médecines douces propices aux  pseudo-sciences"
" Les pseudos thérapies font preuve d'une grande capacité de lobbying"
" Gourous, complotistes, médecines alternatives... Enquête sur les charlatans du covid-19"
" Halte à la complaisance des complémentaires santé vis-à-vis des pseudo thérapies"
" Les pouvoirs publics ont abdiqué face aux pseudo-médecines"
" Médecines douces boostées par la pandémie : les charlatans ont le champ libre "


On le lit, la rhétorique de la dénonciation, quasi-haineuse, est bien huilée  pour envelopper la médecine holistique d'une aura de soupçon, en évoquant souvent au détour les gourous de la "médecine anthroposophique",  qui seraient inspirés par l'ésotérisme de Rudolf Steiner venant d'un autre temps.  Bien souvent, au cœur du soupçon, il y a la référence à l'homéopathie,  dont on sait qu'elle a fait l'objet ces derniers mois d'une attaque en règle, visant en France à l'invalider et à en dérembourser les soins y faisant appel, suite à la tribune hostile de 231 membres de l'Académie des Sciences en 2018 dans l'Express (voir "A quoi sert vraiment l'homéopathie" et  "L'homéopathie il faut dérembourser " )
Le mieux est encore alors lorsqu'on fait palé  "une repentie " de l'homéopathie comme la médecin allemande Natalie Grams devenue "l'une des critiques les plus médiatiques des pseudos sciences " en Allemagne (terre invention de cette médecine avec Samuel Hahnemann ). Ainsi dans un article intitulé " L'homéopathie a plus à voir avec l'ésotétique  qu'avec la nature ", Natalie Grams ex homéopathe déconstruit le discours des médecines alternatives. Elle raconte dans un premier temps comment elle est devenue  homéopathe , comme dans un moment d'égarement pour avoir consulté elle même un homéopathe et un acupuncteur, et trouvé bien alors l'apport de ces médecines, alors qu'elle traversait un moment difficile. Mais après réflexion il lui est apparu que 

" Les principes de l'homéopathie ont plus à voir avec l'ésotérique qu'avec la nature. Qu'y a-t-il de "naturel" dans le principe même de dynamisation ? Idem pour l'acupuncture. L'idée de percer la peau avec des aiguilles métalliques, tout ça pour activer une supposée "énergie vitale" nommée "Qi", ne me semble pas être spécialement naturelle. Cela relève plus de croyances et de préconçus que d'une quelconque réalité physique. Mais les homéopathes sont particulièrement habiles pour faire croire qu'ils pratiquent une médecine naturelle."  


Bref pour Nathalie Grams plus aucun doute quant à la non efficacité de l'homéopathie qui reposerai( simplement sur son effet placebo orchestré par les rituels quasi-ésotériques et la capacité du corps à se guérir lui-même. Interrogée en fin d'entretien sur le lien entre médecine alternative et défiance vaccinale, car c'était bien là l'enjeu et l'objectif de cet article au cœur de l'été au moment des manifestations croissante du mouvement anti-passe sanitaire, Natalie Grams apport de l'eau au moulin de la campagne antivax  en répondant par l'affirmative  :  

" Oui, sans aucun doute ! En Allemagne, de nombreux médecins homéopathes ou anthroposophes s'opposent ouvertement aux vaccins. Mais je pense aussi que la croyance en l'homéopathie, notamment chez les jeunes parents, est le premier pas vers l'abandon de la pensée rationnelle. [...] S'établit ainsi une peur d'être empoisonné par des produits pharmaceutiques, et notamment les vaccins, quand bien même ces derniers font partie des produits prophylactiques les plus efficaces que nous ayons. Cette peur irrationnelle peut, selon moi, notamment être déclenchée par cette croyance dans l'homéopathie et dans les granules. " 

"Les charlatans et les gourou du covid-19" 

Natalie Grams termine son entretien par une dénonciation des enseignements de Rudolf Steiner et des principes ésotériques pour elle ( pire que l'homéopathie ) de la médecine anthroposophique reposant sur une toute autre vision globale du monde bien plus dangereuse en rappelant que :

"Rudolf Steiner, qui a développé toute une vision du monde très ésotérique. Selon lui, nous aurions notamment un corps physique, mais aussi un "corps éthérique", un "corps astral" et un "corps égotique", avec des réincarnations. Steiner a aussi développé les écoles Steiner-Waldorf, très populaires chez nous, dans lesquelles on retrouve de nombreux antivax, mais aussi des opposants aux mesures sanitaires contre le Covid-19. Le problème est que l'anthroposophie défend l'idée que les maladies infantiles sont précieuses pour le développement spirituel de l'enfant. Quand on vaccine contre la rougeole, cela viendrait ainsi perturber ce développement. Contrairement à l'homéopathie, l'anthroposophie propose ainsi une vision globale du monde, ce qui s'avère bien plus dangereuse."  


Voilà où Thomas Mahler, le journaliste enquêteur patenté par L'Express,  voulait en venir. Ceci alimente cette opération visant à cerner la nébuleuse "complotiste" et "apocalyptique" qui se sert de la pandémie pour gangréner les esprits (faibles ? Simples ? ). Le ton est donné dès le début de l'année 2021 avec un article intitulé "Gourous, complotistes, médecines alternatives... Enquête sur les charlatans du covid-19" qui rebondit  sur cette critique de l'homéopathie comme le « péché originel » qui a permis  l'essor de ces pratiques ésotériques, des médecines douces,  avec la complaisance tout à la fois des pouvoirs publics (au temps du socialisme conquérant) et de la presse féminine bienveillante. (Voir aussi article " Georges Fenech : les pouvoirs publics ont abdiqué face aux pseudo-médecines").
 
L'article ne fait pas dans la dentelle,  et en fait de vouloir clarifier, mettre de la dune de la lumière sur un sujet de société complexe, s'ingénie dans une avalanche de dénonciations et de citations  de représentants de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), de l'Unadfi (Union nationale de défense des familles et des individus victimes de sectes), de l'Office central de violence aux personnes (OCPVP) et d'officines comme le collectif Fakemeds ou Conciracy Watch, à obscurcir toute compréhension de ce qui se joue dans cet affrontement des visions du monde. Il ne s'agit pas pour eux de comprendre, mais bien de dénoncer sans ménagement tout ce "beau monde" comme de fieffés "charlatans" intéressés par l'argent de leurs livres, conférences, stages et pseudo-formations... Laissant penser que si de ce côté-ci de l'argent est sale, il y aurait de l'argent propre du côté de l'industrie pharmaceutique salvatrice avec ses production vaccinales (voir aussi l'article critique "Médecines douces, prix forts... le marché du bien-être une histoire de gros sous")


Ce nouvel article fait écho à un article plus ancien de août 2020 où Stéphanie Benz, une autre journaliste de l'Express sur le front de la lutte contre les "médecines douces" notait  comment diminuer "le covid-19 a donné un coup d'accélérateur à des thérapies alternatives déjà en plein essor" (voir " Médecines douces boostées par la pandémie : les charlatans ont le champ libre " )
Les journalistes de L'Express se font ici défenseurs des personnes fragilisées par la peur de l'épidémie, car c'est bien pour eux le maillon faible de la société :

"La remise en cause des préconisations de santé publique (port du masque, respect de la distanciation sociale...) fragilise l'ensemble de la société face au virus. Pis : elle n'est pas étrangère à l'excès de prudence affiché par les pouvoirs publics face aux anti-vaccins, largement en cause dans les ratés du début de la campagne vaccinale en France."


Il y a là pour eux l'exacerbation d'une d'un « individualisme darwinien » qui brise  le collectif, l'ordre social. Tristan Mendès France un universitaire interrogé et qui abonde dans ce sens déclare :

"à partir du moment où l'on adhère à une théorie remettant en question le consensus scientifique, on rentre dans une posture de remise en cause de la parole d'autorité en général. Si on nous ment sur les vaccins ou sur l'hydroxychloroquine, il n'y a pas de raison qu'on ne nous mente pas sur autre chose. Et au sommet de la pyramide, on en arrive à cette idée fantasmagorique de la dictature sanitaire, voire du complot mondial"

En bout de course toutes ces « dérives » qui affectent la parole d'autorité (l'Etat, la Science... ) apparaissent inquiétantes, et pour en rajouter une couche l'article conclue en agitant la menace du mouvement "QAnon" et sur sa contagiosité qui pourrait atteindre la France.

"L'entrisme des thérapies non conventionnelles"

Cette croisade de L'Express contre les médecines douces et leur mise en rapport avec les tendances complotistes "les plus inquiétantes", comme le mouvement "QAnon", s'appuie aussi sur la dénonciation de "l'entrisme des thérapies non conventionnelles" jusque dans les structures de l'état, en se faisant l'écho à propos de Georges Fennech, ancien président de la Mivilude "les pouvoirs publics ont abdiqué face aux pseudo-médecine guillemets (interrogé par Stéphanie Benz sur  la publication de son livre "Gare aux gourous.  Santé, bien-être"  septembre 2020)

Un autre élément est mis en examen dans ce "dossier noir des médecines douces" de L'Express avec le questionnement sur la mise en place de l'Agence des médecines complémentaires et alternatives - AMCA. Cette « agence » pour le moment non gouvernementale est une initiative associative portée par la psychologue Véronique Suissa, le chirurgien Philippe Denormandie et le sociologue Serge Guérin. Cette  association est dénoncée par Jean-Paul Krivine (ancien président de l'AFIS - Association française pour l'information scientifique) comme  "un cheval de Troye pour des pratiques infondées". Pour lui "les médecines alternatives sont une véritable cour des miracles". La position de Jean-Paul Krivine apparaît « radicale » en ce sens qu'il n'y a pour lui que la Médecine avec un grand M d'un côté (avec des traitements et des pratiques attestées par la science ) et de l'autre les pratiques de bien-être, plus ou moins utiles, qui ne sauraient relever de la Médecine véritable , qu'elle soit douce ou alternative. Il s'oppose à la proposition de certains députés pour la mise en place d'une Agence gouvernementale en charge de l'évaluation des médecines alternatives. Pour lui, la médecine conventionnelle évolue et intègre déjà cette préoccupation du bien-être des patients (même s'il reconnaît que du travail reste à faire à ce niveau...). Mais cela doit se faire selon lui scientifiquement en dehors de "toute vision idéologique ou mystique ou religieuse"  dont ne semble pas exempte selon lui l'A MCA accusée de vouloir faire entrer (légitimer)  des pratiques pseudo thérapeutiques douteuses au nom de la lutte contre les dérives et les charlatans. Cependant Jean-Paul Krivine ne cherche t-il pas là, comme le journaliste de l'Express , à tenir à bout de bras les instances de plus en plus remises en cause de la Science et de l'autorité politique et juridique,  pour imposer une vision unique de nos rapports aux  corps physique et social. Les promoteurs de l'AMCA  ont alors beau jeu de rappeler que « 44 % des Français utilisent des médecines complémentaires, on ne peut pas faire l'autruche ! » . Il s'agit cependant pour eux  de chercher à distinguer l'ivraie du bon grain, d'où l'intérêt et l'importance de leur association qui agit là en véritable "Agence publique" dans l'objectif "de faire une cartographie des usagers des pratiques déjà existantes et de chercher à contrôler, réguler, professionnaliser et sécurisée l'existant".  Ils se défendent de comploter pour la promotion des médecines douces, mais affirment  simplement vouloir prendre acte des pratiques existantes, de leur ancrage aujourd'hui dans les pratiques sociales des Français et aussi de prendre la mesure du fait que "la catastrophe pandémique encore renforcée les problématiques de santé mentale".

Conclusion

Ainsi donc en identifiant les partisans des médecines alternatives, douces, complémentaires (holistiques) comme l'une des composantes clés du mouvement anti-passe , du fait d'une sorte de méfiance à l'égard de la médecine conventionnelle (allopathique) et donc au vaccin, les hérauts de la politique de santé publique fondée sur le "tout vaccin"  et le contrôle sanitaire des populations, pointent un ennemi de l'Intérieur qui serait davantage préoccupé de son bien-être individuel que de la santé collective. Afin de attiser la vindicte populaire, voire la haine, contre cette fraction pourtant non négligeable de la population tous les arguments et les raisonnements raccourcis semblent bons  dans ce dans ce matraquage ou lynchage médiatique. Les  partisans des médecines douces sont décrits comme des opposants à la Raison, à la Science calcul, des esprit sous l' influence de gourous prêts à les exploiter et à les faire sombrer dans une dépendance psychologique abreuvée  par les fake-news et les théories complotistes les plus éhontées et délirantes dont le spectre est le mouvement états-uniens QAnon. Une telle stratégie repose sur ce qui apparait comme "un miroir de la mauvaise foi". D'un côté, les "anti-passe" sont stigmatisé d'être du mauvais côté de la barrière, comme détourné de l'orthodoxie sanitaire, sombrant dans les croyances, la "mauvaise foi" pour ainsi dire ; d'un autre côté comment ne pas voir cette mauvaise foi aussi avec laquelle le procès est conduit par son outrance même ? 


Tout cela est sans doute plus de nature à attiser les fractures sociétales, à nourrir une ambiance de guerre civile bien plutôt qu'à respecter une diversité l'idées et de positions éthiques. Sans doute cette diversité, porteuse en fait de visions et de valeurs  alternatives à l'ordre social établi et dominant menace-t-elle la pensée unique néolibérale.
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